On a lu pour vous « Roman fleuve »

Nous nous désolions il y a peu de la noirceur de la plupart des romans où il est question de canoë. Les auteurs prennent en effet un malin plaisir à imaginer agressions, meurtres et courses-poursuites dans le splendide isolement de nos itinérances. Les guides de Destination rivières envisageaient même de saisir la justice pour faire cesser pareille habitude,  préjudiciable s’il en est à notre activité tout ce qu’il y a de plus paisible.

Probablement mis au vent de nos intentions, les éditions des Equateurs ont décidé de réagit avec « Roman fleuve » de Philibert Humm.

C’est l’histoire de mecs qui décident de descendre la Seine en canoë. Ils achètent un canoë Coleman et s’élancent sur les eaux boueuses. Bref, d’aimables vacances entre polissons. Le genre d’aventure que nous vivons tous, que nous avons tous envie de raconter et qui nous rappelle … l’insignifiance de nos existences quand nous nous y essayons : on a bien ri pendant ce voyage mais ça n’intéressera personne.

Oui mais voilà, ces trois-là sont épris de romans d’aventure et ont l’imagination fertile et la plume acérée. Chaque kilomètre parcouru fleure l’épopée napoléonienne, chaque rencontre d’un riverain un récit de l’anthropologue Levi-Strauss, chaque journée une aventure digne de Sylvain Tesson. Il est même question d’une mutinerie de l’équipage.

Et nos aventuriers hors du temps ironisent et tournent en dérision nos modes de vie, nos paysages et même Jean-Pierre Pernaut. A propos d’une île sur laquelle ils bivouaquent : « L’île semblait déserte, sauvage, mais d’une sauvagerie relative en ce sens qu’un viaduc ferroviaire l’enjambe. Huit à dix fois par heure, le RER A passe au-dessus de l’île de Corbière. Hormis cela, rien ne relie l’île à la civilisation. C’est une grande joie de voyager hors des sentiers battus ».

On a bien ri ! On aimerait savoir écrire comme ça !

Aurélien Rateau